Juin 2013, Seattle ✙  "On vous récupère vers vingt heures. Ne faites pas trop de bêtises, tous les deux." Sa colocataire lui lança un regard malicieux, accompagné d'un clin d'oeil bien voyant. Alessia leva les yeux au ciel, puis se retourna vers Jackson, l'invitant à entrer dans la maison. Un sourire s'était dessiné sur les lèvres de la belle brune, alors qu'elle referma la porte derrière lui. En apprenant qu'elle allait travailler en binôme avec lui, Alessia avait senti son coeur s'emballer. Cela faisait maintenant quatre ans qu'elle vivait aux Etats-Unis. Étudiante brillante, elle ne prêtait que peu de temps à ses histoires sentimentales. Il avait fallu que Jackson passe par là pour que ses objectifs changent réellement. Les deux jeunes adultes s'installèrent sur la table du salon, bières en main pour s'aider à se motiver. Pendant deux bonnes heures, ils travaillèrent sur le dossier donné par leur prof de droit. Alessia sentait bien les regards de Jackson sur elle, mais elle tenta de ne pas s'en intéresser. Fuis-moi, je te suis. Suis-moi, je te fuis, disait-on. Mais dans ce proverbe-là, l'alcool n'a sûrement pas sa place. Enchaînant les bières, les deux étudiants furent tout simplement incapables de clôturer leur dossier. Les Vingt heures approchants, Alessia se releva et regarda Jackson : "On devrait peut-être aller se préparer, les autres vont nous attendre." Le jeune homme hocha la tête et se releva à son tour, le regard quelque peu vitreux. Elle l'accompagna jusqu'à la porte, sans prendre la peine de refermer à clé derrière elle. Elle grimpa les escaliers pour rejoindre sa chambre, sans entendre la porte d'entrée qui s'ouvrait de nouveau. Ce ne fut qu'en ressortant de la pièce, sa robe de soirée en main, qu'elle aperçut une silhouette. Alessia sursauta et regarda avec surprise le jeune homme qui se dressait devant elle. "Jackson ! Tu m'as fait peur. Tu as oublié quelque chose ? " Le jeune homme ne répondit pas, s'approchant doucement d'elle, tel un prédateur. "A quoi tu joues ? Tu me f..." Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que les lèvres du jeune homme vinrent se plaquer violemment sur les siennes. Rendant d'abord ce baiser fougueux, elle comprit réellement les intentions du jeune homme quand il glissa sa main le long de sa cuisse. Alessia tenta de le repousser, lui affirmant qu'elle ne voulait pas faire ça maintenant, mais l'emprise de Jackson se fit plus oppressante. La jeune femme se retrouva plaquée contre le mur, sans la moindre possibilité de bouger. Les lèvres de Jackson descendirent dans le cou de la jeune femme, lui permettant ainsi de lui demander d'arrêter. Une requête qui ne trouva pas son répondant. Un coup de pied bien placé suffit à remettre les idées en place chez le jeune homme, qui s'éloigna d'Alessia. Mais la colère de la jeune femme était bien trop virulente. Des larmes pleins les yeux, elle se jeta sur le jeune homme. "Tu es con ou quoi ? Jackson, tu as tout gâché. Va-t-en ! Va-t-en, avant que je n'appelle les flics !" Elle le poussa à une reprise. Puis encore une fois. Et encore une fois. Elle se fichait des excuses du jeune homme. Elle n'entendait plus rien, si ce n'était ce bourdonnement incessant. Seule sa fureur dictait ses pas. Si bien qu'elle ne put retenir ce dernier geste. Elle le repoussa une dernière fois. La fois de trop. Jackson trébucha sur la première marche des escaliers et dévala de tout son long, jusqu'au rez-de-chaussée où il termina sa course. La réalité sembla reprendre le dessus sur Alessia, qui se rendit enfin compte de ses actes. Elle dévala à son tour les marches et tomba à genoux près du jeune homme. Mais alors qu'elle releva sa tête, un liquide chaud et rougeâtre resta sur ses mains. Du sang. Du sang sur ses mains. Tout comme Giovanni dans sa clairière. Ce soir-là, Jackson poussa son dernier souffle. Ce soir-là, la vie d'Alessia prit un tournant inattendu.

Même si l'enquête aboutit sur la thèse de l'accident, Alessia comprit, quelques jours plus tard, que les fondations de sa vie n'avaient jamais été aussi branlantes. Les légendes urbaines racontées par son frère, un soir d'Halloween, prirent vie. Elle se souviendra toujours de ce jour de pleine lune, en plein mois de juin. Fatiguée moralement et physiquement, Alessia mit cela sur le compte des récents événements. Mais alors que la lune se mit à briller de plus belle, une vive douleur se fit ressentir chez la jeune femme, à un tel point que ses jambes ne parvinrent plus à la tenir. A terre, elle se roula en boule, ne pouvant retenir ces cris de douleur qui s'échappaient de ses lèvres. Elle était seule, ce soir, dans cette grande maison où elle était livrée à elle-même. Le supplice dura quatre heures, jusqu'à la délivrance. Alors qu'elle releva la tête, ses yeux brillèrent d'une étrange lueur bleue et ses canines se transformèrent en crocs acérées. Ses membres s'allongèrent et une fourrure grise couvrit son corps. Alessia ne ressemblait plus à cette jeune femme pétillante. Elle était devenue une bête féroce et incontrôlable. Ce soir-là, elle mit la maison en pièces, jusqu'à tomber de fatigue dès que les premières lueurs du soleil se mirent à briller dans le ciel.  Ce fut Sara, sa colocataire,  accompagné de son petit ami, Collin, qui découvrit le carnage, au petit matin. Canapé lacéré, traces de griffes le long des murs, meubles abîmés, le salon n'avait plus rien de convivial. Elle trouva Alessia, dans un coin, dénudée, recroquevillée sur elle-même et en pleurs. Elle s'empressa de passer la veste de Collin autour d'elle, avant de jeter un regard à son petit ami. Les deux amants se comprirent rapidement. Alessia était comme eux. La mort de Jackson avait fait d'elle un loup-garou. Elle caressa les cheveux de son amie, dans un geste de réconfort et murmura à son oreille : "Ne t'en fais pas, Alessia, on est avec toi..."